Mexique, 17/12/2008
La nuit va bientôt tomber, Mon
compteur indique 65 kilomètres pour aujourd’hui. Ce n’est pas énorme mais le vent
de face qui a soufflé toute la journée y est pour quelque chose.
Après une série de petits virages dans une
sorte de canyon, je sors de la route et décide de pousser le vélo jusqu’au sommet d’une colline, afin de
trouver un coin plat pour poser la tente. Le vent est tombé il y a environ une
heure et sous le poids de mes 70kg de bagages (vélo inclus) je transpire à
grosses gouttes. Après être enfin arrivé au sommet,
j’aperçois en contre bas sur
ma droite un barrage de contrôle militaire que je n’avais pas vu depuis la route.
Ma position en surplomb de leur camp est bien trop stratégique pour que je
puisse camper ici. Toute cette peine pour rien… je râle, je maudis les militaires. C’est de
votre faute! Ma chemise est trempée, j’ suis crevé et j’ crève la dalle! Le
soleil s’ fait de plus en plus bas et faut encore rejoindre c’ te route pour
essayer d’ trouver un foutu endroit pour passer la nuit !!
Au barrage, je passe en trombe devant les
militaires. Ils sont en train de fouiller un camion et ils ne m’accordent qu’un bref
regard (j’en suis presque déçu).
A une dizaine de kilomètres du barrage, je bifurque
à gauche sur une piste sablonneuse en direction des montagnes. M’éloignant suffisamment
de la route pour que les camions ressemblent à des petites souris, moi, je
dois être aussi gros qu’une fourmi. Je suis invisible.
Puis pour disparaître
totalement, je sors de la piste et pousse mon vélo au milieu des cactus en
faisant bien attention de ne pas rouler sur l’un d'eux. Rien de pire que de se
réveiller le matin avec un pneu crevé. Trop concentré sur mes chambres à air, je
ne sais comment, par le grand miracle de la nature, une tête de cactus vient se loger, juste derrière le genou. La douleur est intense. Je ne crie pas. Je ne
jure pas. Je fais tranquillement quelques pas supplémentaires comme pour
m’écarter d’une vipère qui m’aurait déjà mordu. Constat des dégâts : les
épines sont encrées profondément sous la peau, elles sont du type hameçons de pêche
donc très dures à retirer. Je serre les dents et tire d’un coup sec sur le
cactus. La moitié des épines reste dans la chair, et il me faut les retirer à
présent une à une.
Enfin je trouve un petit endroit
sableux plat et sans cactus. Juste le temps de planter la dernière sardine le
soleil passe derrière l’horizon. Le ciel est très rouge et le vent se lève d’où
l’astre vient de disparaître. Tout indique qu’il va pleuvoir cette nuit. Je
renforce donc la mise en place de la tente et me prépare pour la pluie.
Au menu de ce soir un grand classique : pâtes à la sauce
tomate, épaissie avec un restant de lait en poudre. Finalement repu et
détendu, je m’allume une clope et prend mon bouquin. Je me plonge dans un univers
qui me sort du mien. Un livre de Colette, parlant d’une femme
« légère » de 49 ans et de son amant de 19. Je me sens à des années
lumière du désert Mexicain, mais me rapproche d’un autre désert; celui de mon
affectif… Soudain, les détonations répétées d’un fusil mitrailleur me font
revenir à la réalité. Par réflexe j’éteins ma lampe frontale. Noir absolu. Analyse
de situation : les coups de feu paraissent trop éloignés pour que je m’en
inquiète vraiment. Ce doit être les militaires qui fêtent leur fin de journée
en déchargeant leur lassitude à coup de kalachnikov. Peut être tirent-ils sur
des canettes de bière qu’ils viennent de descendre ? Je rallume la
lampe, reprend la lecture.
Il pleut violement maintenant, la mitraille est remplacée par
le martèlement des grosses gouttes sur la toile de tente.
Je m’endors.
Extrait du carnet de voyage de Chris, un tour du monde à vélo de 2003 à 2009.
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